Il y a quelques semaines, j’ai décidé de réaliser une série de portraits (Photo et texte) de militants de terrain du syndicat Force Ouvrière. Ces portraits seront exposés au CCN de Dijon en Avril 2026.
Je remercie Frédéric Souillot pour sa confiance et son aide, ainsi que son équipe.
Mouhamadou Lamine Seck (Mamadou) – PSA Poissy
Au premier contact, on comprend vite que l’homme est chaleureux et passionné. Tant par son entreprise que par son rôle de Secrétaire de la Section syndicale qu’il dirige.
Pourtant le chemin fut long pour en arriver là. Arrivé du Sénégal où il travaillait dans la presse en août 2009, il intègre PSA à la fin de cette même année.
Il est passé par le ferrage, l’emboutissage, la logistique, le montage pour ensuite devenir moniteur et finir dans la team leader.
Début 2010, il comprend très vite que sa couleur de peau va le mener sur « une voie de garage » tout au long de son parcours professionnel. Une seule main lui sera tendue pour l’aider et le soutenir, ce sera celle d’un délégué syndical de Force Ouvrière.
Il hésite pourtant à y adhérer, car il sait qu’en France comme au Sénégal, être syndiqué ferme souvent les portes aux avancements professionnels, lesquelles ne se rouvrent, parfois même à des évolutions express, qu’en renonçant à ses mandats ; mais peu importe, fin 2010 il finit par adhérer au syndicat.
Non pour lui personnellement, mais pour soutenir, à son tour, ceux qui, comme lui, ont subi des discriminations.
Les africains étaient minoritaires à l’époque, et les tâches les plus pénibles leur étaient confiées, sans perspective d’avenir moins contraignant.
Il fut le premier secrétaire syndical noir de l’entreprise Stellantis Poissy. Et il en est fier. Mouhamadou ne s’est jamais demandé ce que FO pourrait lui apporter, mais ce qu’il pourrait, lui, apporter à FO et aux ouvriers de l’usine.
Il n’hésite pas à dire, pourtant, que les responsabilités au sein du syndicat l’ont fait grandir, lui ont apporté plus de confiance en lui et plus d’expérience aussi.
Aujourd’hui FO est majoritaire chez Stellantis Poissy, loin devant les autres syndicats. Ils sont 700 sur 2400 salariés de l’entreprise à être encartés FO. Mais Mouhamadou sait, en toute lucidité, que cet avantage est fragile et qu’il faut en permanence être sur le terrain, au contact des salariés et des problèmes qu’ils peuvent rencontrer, et ce, quel que soit leur emploi et leur grade dans l’entreprise.
« Il faut créer une symbiose chez les camarades, pour garder le syndicat…les syndicats en vie » me confie-t-il.
Car il est conscient de l’évolution du monde du travail et du monde technologique qui amènent les jeunes générations à aller chercher des solutions sur internet plutôt que de participer à un collectif qui leur apportera soutien et écoute. Cela même qui lui a été proposé il y a 15 ans.
Pour lui, FO est une famille. Une famille qu’il a retrouvée, ayant tout quitté pour venir vivre en France.
Il aimerait que les jeunes générations viennent s’investir dans un syndicat, pour défendre les emplois (quand il est arrivé chez PSA, il y avait plus de 5000 salariés, les robots en ont remplacé la moitié) et reprendre le flambeau des « anciens » si chers à son cœur.
Chaque jour est un nouveau combat pour lui, pour aider et soutenir ces « invisibles » qu’on applaudissait pendant le Covid mais qui, aujourd’hui, ont regagné leur « invisibilité ».
Si je devais définir Mouhamadou par un proverbe, je choisirais sans hésiter ce proverbe africain qui dit : « Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin »
Sophie Liédot – 13 Octobre 2025
